La légende des divines taras de Zanabazar

Ariunaa Jargalsaikhan
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Partie 3/3

La maîtrise prolifique d’Oundor Guéguén Zanabazar dont le large éventail des disciplines et particulièrement sa capacité ingénieuse à exprimer les qualités divines et humaines du Bouddha en sculptures de bronze doré, a fait de lui l’un des créateurs les plus signifiants de l’art bouddhiste. Comme chef intellectuel, il a guidé la Mongolie du 17ème siècle vers une renaissance culturelle dont l’héritage continue à inspirer des artistes aujourd’hui encore.

Les Taras Blanche et Verte d’Oundor Guéguén Zanabazar sont deux sculptures phénoménales de l’art bouddhiste. La Tara blanche est au musée de Beaux-arts de Zanabazar. La Tara verte et ses vingt et une manifestations sont présentées au musée du Palais de Bogd Khaan.

La Tara blanche

Tara est considérée comme la déesse la plus puissante du panthéon bouddhiste.1 Son nom signifie “étoile” en sanscrit. Selon une légende, elle est née des larmes de Megjid Janraisig, qui “regarde tous les êtres conscients avec la compassion de tous les Bouddhas.” En tant que manifestation féminine, la Tara blanche est vénérée comme la mère de tous les Bouddhas.2

Tara est reconnue pour sa beauté suprême, sa sagesse divine et sa compassion universelle. Elle dirige ses fidèles sur le chemin de la libération de la souffrance. Elle apparaît sous cent huit formes différentes en cinq couleurs : blanche, vert, rouge, bleu et jaune. Les Taras verte et blanche sont généralement les plus reconnues dans le Bouddhisme tibétain.

La version de la Tara blanche de Zanabazar a été inspirée et dédiée à une femme à laquelle Oundor Guéguén se réfère comme sa mère Dalai (océan).3 Pendant sa petite enfance, Khandjamts, la mère de Zanabazar, ne put pas allaiter son bébé malgré tous ses efforts parce qu’elle n’avait pas de lait. Une jeune domestique de seize ans à son service a commencé à sécréter du lait et ainsi elle put nourrir le bébé. On a considéré ce phénomène comme un miracle dans la vie de Zanabazar.4

Dans l’iconographie bouddhiste, la Tara blanche est caractérisée par ses sept yeux qui voient le passé, le présent, et le futur. Les yeux sur les mains et les pieds de la Tara blanche signifient les quatre qualités de bodhisattva : compassion, gentillesse, joie et égalité. Elle est assise en hauteur, dans la posture de lotus. Sa main droite fait un geste d’offrande. Sa main gauche tient la tige d’un bouton de lotus dans un geste protecteur.

La Tara verte

La Tara verte est la déesse de la guérison, du rajeunissement et de la croissance. La Tara verte de Zanabazar présente une figure idéalisée et voluptueuse, accentuée par une posture gracieusement assise qui s’appelle “la pose royale ” ou Lalitasana en sanscrit. Son pied droit est posé sur un rejet du trône du lotus. Cette posture indique qu’elle est prête à l’action de sauvetage des êtres conscients des dangers de huit émotions destructives : l’orgueil, l’ignorance, la rage, l’envie, l’avarice, le doute, la haine et la jalousie.5 Les gestes de ses mains sont similaires à ceux de la Tara blanche. La Tara verte tient dans ses mains des tiges de boutons de fleurs qui dépassent au-dessus de ses épaules. Les fleurs symbolisent la pureté et la longévité.6

La première et par conséquent la plus juste source sur la biographie de Zanabazar est “Gegeen Toli” (Encyclopédie sacrée) écrit en 1702 par Zaya Pandita Luvsanperenlei, étudiant contemporain d’Oundor Guéguén.7 Aujourd’hui, Zanabazar, la fiction biographique écrit par S. Erdene en 1987 est le livre le plus populaire sur ce sujet. Dans son roman historique, S. Erdene relate la légende, transmise par des témoignages oraux, légende qui raconte comment Zanabazar a créé son emblématique Tara verte.

A l’âge de 15 ans, Oundor Guéguén tomba amoureux de l’incroyablement belle Aminaa, la fille du Prince Sungerel, descendant de Chinggis Khaan. Zanabazar ne pouvait pas rester avec elle à cause de ses vœux religieux et de son engagement politique. Alors que Zanabazar étudiait au Tibet, le peuple d’Aminaa, ses parents inclus, furent tués à cause de l’hostilité continue entre les nations Khalkhas et Oirads. Elle-même fut capturée mais elle put s’échapper grâce à son frère cadet.

Après de nombreuses épreuves, Zanabazar fut enfin capable de revoir Aminaa et voulut assurer sa protection. Cependant, l’un de ses conseillers sachant cela, était jaloux de la force secrète de l’Oundor Guéguén. Cet agent double déshonora et assassina Aminaa sans se faire prendre. De la profondeur de son chagrin pour sa chérie aimée, Zanabazar créa sa sculpture de la Tara verte.8 “En se souvenant de ta beauté, ta sagesse et ta compassion, que tous ceux qui souffrent te prient et que leur chemin vers la libération soit éclairé par ton image divine en Tara verte” dit Zanabazar.

La méditation profonde de Zanabazar sur la compassion pour la souffrance des autres a soufflé la vie à une vision puissante des archétypes de divine féminité – la Mère et l’Amante. Les Taras blanche et verte sont des chefs d’œuvres qui nourrissent l’esprit et éveillent les sens. La luminosité des Taras exsude la splendeur, comme si le soleil et le vent les avaient doucement caressées. La maîtrise superbe des sculptures en bronze doré les rend visuellement palpable par la suavité de la peau, la translucidité de la soie et la précision de l’orfèvrerie. Le coulage du bronze creux créée une légèreté remarquable qui démontre l’élégance des sculptures.

Qu’elles évoquent la résilience d’une fleur délicate de lotus ou la force de la gentillesse de transformer le chagrin dans un pouvoir créatif guérissant, les sculptures de Zanabazar incarnent l’harmonie magique entre l’exquisité de la forme et la profondeur du message.

Encore aujourd’hui, la beauté sublime des sculptures d’Oundor Guéguén Zanabazar persiste comme un exemple parfait de l’art mongol bouddhiste et continuent de captiver l’attention des visiteurs du monde entier.

Références

  1. McArthur, M. “Tara : A Powerful Feminine Force in the Buddhist Pantheon.” Global Buddhist Door. https://www.buddhistdoor.net/features/tara-a-powerful-feminine-force-in-the-buddhist-pantheon. Accédé le 19 avril 2021.
  2. Musée du palais de Bogd Khaan. Especial White Tara. Ulaanbaatar: Munkhiin Useg, 2020.
  3. Sarantuya, U., et al. Г. Занабазарын Нэрэмжит Дүрслэх Урлагийн Музейн Дэлгэрэнгүй Тайлбар. Ulaanbaatar : Askpoint, 2012.
  4. Commission nationale mongole pour l’UNESCO. In Commemoration of the 360th Anniversary of Undur Geghen Zanabazar, the First Bogdo Zhivzundamba Hutugtu, the Mongolian Great Enlightener, Outstanding Spiritual Leader and Statesman. Ulaanbaatar, 1995.
  5. Musée du palais de Bogd Khaan. Green Taras of Bogd Khaan. Ulaanbaatar: Munkhiin Useg, 2020.
  6. Les sources diffèrent à propos de la description des fleurs au-dessus des épaules de la Tara verte. Certaines définissent les deux comme des boutons de lotus qui symbolisent la pureté. D’autres présentent les fleurs comme des boutons de chrysanthèmes qui symbolisent la longévité. Les fleurs au-dessus des épaules de la Tara verte apparaissent différentes l’une de l’autre. Il serait possible qu’un chrysanthème et un lotus fleurissent ensemble au-dessus des épaules de la Tara verte.
  7. Syrtypova, S.-K. D. Zanabazar’s Style of Buddhist Art (Using Examples from the Collection of A. Altangerel). Ulaanbaatar : Admon Print, 2019. Pg. 325.
  8. Erdene, S. Занабазар (3rd ed.). Ulaanbaatar : Admon, 2012. Pg. 184.
  9. Saruul, N., Sarantuya, U., Munkhzul, J., et Tsedmaa, D. The Fine Arts Zanabazar Museum –Unique Masterpieces. Ulaanbaatar : Admon Print, 2013.

Publié le 12 mai 2021 par UB Post
Auteure du texte et de la traduction Ariunaa Jargalsaikhan
Avec remerciements au Dr. Maylis Léon-Dufour pour ses précieux conseils et sa rédaction
Ulaanbaatar

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