Les sublimes sculptures d’oundor guéguén zanabazar

Ariunaa Jargalsaikhan
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Partie 1/3

Une bonne partie de l’histoire de l’art de l’Asie de l’Est est indéniablement liée au Bouddhisme, – la Mongolie n’est pas une exception. Les sculptures en bronze doré de Gombodorjiin Ishdorj (1635-1723), plus connues sous le nom d’Oundor Guéguén Zanabazar, chef d’état et de religion mongol du 17ème siècle, font partie intégrante de l’histoire de l’art bouddhiste.

Ces sculptures expriment dans une harmonie magnifique les qualités humaines et divines du Bouddha. Elles servent de précieuses preuves d’aboutissement des divers styles, traditions et techniques artistiques, affinés depuis la dynastie Yuan1 et condensés en union extraordinaire de talent et de savoir-faire.

Les sculptures du Bouddha de Zanabazar mesurent généralement environ 70 à 90 centimètres de hauteur. La plupart d’entre elles sont assises sauf quelques-unes (Manzushri et Maitreya). Ces sculptures en bronze doré sont creuses2 et elles ont été probablement créées par le procédé de fonderie cire perdue. Leurs proportions adhèrent aux principes bouddhistes traditionnels de l’iconométrie de l’Inde ancienne. L’innovation stylistique mongole est particulièrement visible dans les traits qui sont accentués par leur symétrie parfaite.

On pourrait décrire les visages des Bouddhas de Zanabazar comme ayant des yeux en forme d’amande avec un regard merveilleusement serein et contemplatif, un visage rond plutôt jeune avec des joues pleines, de fins sourcils courbes se rejoignant doucement à l’arête du nez légèrement courbé, un sourire tout juste perceptible des lèvres pas trop larges par rapport à la base du nez, les lobes des oreilles allongés et étirés par de lourdes boucles d’oreilles, – une caractéristique de la bonne fortune du Bouddha.

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La plupart des sculptures ont les cheveux longs ; ceux qui couvrent le crâne sont habituellement dissimulés pour élaborer une coiffure décorée d’une couronne somptueuse. Les cheveux longs dénotent les racines terrestres et le début humain du Bouddha. Les cheveux sont colorés en bleu avec un pigment minéral symbolique de l’éternité en accord avec les traditions artistiques mongoles.3

Le corps idéalisé et réaliste en représentation a un physique en bonne forme et une posture droite. Les figures sont habillées de soie fine en bas ; une écharpe au ruban délicat est posée sur l’une ou les deux épaules. Les sculptures sont ornées de bijoux d’orfèvrerie éblouissants sur le décolleté, les bras, les chevilles et la taille. Les Bouddhas sont généralement assis « en tailleur » sur un trône de lotus symbolique de la pureté d’une raison éclairée qui émerge de la souffrance.

La méditation est une des pratiques centrales du Bouddhisme. En se concentrant sur le corps, elle entraîne la raison à répondre plutôt qu’à réagir aux stimuli émotionnels. Les cinq Dhyani Bouddhas de la Sagesse aident à diriger la raison vers la conscience des émotions et à les transformer en modes de penser plus utiles. Par exemple, l’ignorance peut être redirigée vers la découverte d’une plus grande sagesse, la colère vers la clarté, l’orgueil vers l’intégralité, la luxure ou l’avarice vers le discernement, la jalousie ou l’envie vers l’amélioration.

Les sculptures éminentes des cinq formes célèbres du Bouddha par Zanabazar peuvent rendre la pratique de visualisation pendant la méditation plus facile à aborder. Leurs portraits vivants font penser au fait qu’au début, le Bouddha était un être humain ordinaire. Dans les sculptures de Zanabazar, le regard calme du Bouddha avec un gentil sourire d’invitation semble dire, “Moi aussi, j’ai les mêmes pensées parfois. Contemplons-les ensemble.”

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Chacun des cinq Bouddhas de la Sagesse se distingue par les gestes de ses mains ou moudras. Les Bouddhas sont aussi associés aux différents symboles, couleurs, sens, éléments, directions universelles et organes.4 Les moudras des Dhyani Bouddhas de Zanabazar se différentient particulièrement en comparaison de leurs autres aspects. Ratnasambhava qui convertit l’orgueil et l’avarice en Sagesse impartiale de l’égalité fait un geste d’offrande. Vairochana qui transforme l’ignorance et l’illusion en Sagesse de l’essence omnisciente du Dharma, fait le geste de tourner la roue de Dharma. Akshobhya qui illumine la colère et la haine pour révéler la Sagesse semblable au miroir touche la Terre de sa main droite. Amitabha qui transforme la luxure et le désir en Sagesse discriminante de la conscience joint ses mains dans un geste de méditation. Enfin Amoghasiddhi qui conduit la jalousie et la peur vers la Sagesse tout-accomplissante, lève sa main droite en geste de courage.

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Les sculptures de Zanabazar sont comme une symphonie visuelle qui apaisent un esprit agité. Les cinq Dhyani Bouddhas nous aident à réaliser le pouvoir de la méditation. Ces œuvres d’art suggèrent que la tranquillité et la réflexion sont aussi essentielles au succès dans la vie que l’action et le mouvement. Dans ce sens, les œuvres de Zanabazar semblent revisiter la signification de la libération, re-imaginer la beauté et redéfinir la force.

Une recherche reste à être accomplie pour déterminer le nombre total et la localisation des œuvres de Zanabazar ainsi que leur organisation par date. L’information sur comment les œuvres d’art ont survécu à la turbulence de l’histoire depuis le 17ème siècle reste à être documentée. Une multitude de sculptures bouddhistes en bronze doré, de grande valeur, ont été créées d’après Zanabazar. Elles sont connues collectivement comme les œuvres de l’École de Zanabazar.

Pendant la durée de sa vie (88 ans), Zanabazar a créé quelques-unes des œuvres les plus emblématiques et durables de l’art bouddhiste qu’on ait jamais vues. Son talent ingénieux et sa maîtrise artistique dans l’expression de l’humanité et de la divinité du Bouddha l’ont défini plus tard comme l’un des fondateurs de la renaissance culturelle bouddhiste de Mongolie.5 Zanabazar a sans doute été l’artiste le plus signifiant et un chef intellectuel éminent du 17ème siècle en Mongolie et au-delà. Ses créations intemporelles continuent d’exercer une emprise puissante sur les spectateurs à nos jours.

Les cinq Dhyani Bouddhas de la Sagesse d’Oundor Guéguén Zanabazar peuvent être vus au Musée des Beaux-Arts de Zanabazar, sauf Ratnasambhava, le Bouddha du Sud (datant du 17ème siècle).6 Cette dernière sculpture se trouve au Musée de Choijin Lama. 

Références

  1. Syrtypova, S.-K., D. Zanabazar’s Style of Buddhist Art (Using Examples from the Collection of A. Altangerel). Ulaanbaatar: Admon Print, 2019. Pg 13.
  2. Sarantuya, U., et al. Г. Занабазарын Нэрэмжит Дүрслэх Урлагийн Музейн Дэлгэрэнгүй Тайлбар. Ulaanbaatar: Askpoint, 2012.
  3. Battulga, B. “Монгол Зураг.” Institut de développement professionnel des enseignants de Mongolie. Bagsh.itpd.mn. http://bagsh.itpd.mn/fayluud/mungolZuragUrlal.pdf. Accédé le 02 avril 2021.
  4. Lee, M. “Symbolism of the Five Wisdom Buddhas.” Lotus Happiness, août 11, 2019. https://www.lotus-happiness.com/symbolism-five-wisdom-buddhas/. Accédé le 18 avril 2021.
  5. Tsultem, N. The Eminent Mongolian Sculptor – G. Zanabazar. Ulaanbaatar: State Publishing House, 1982.
  6. Commission nationale mongole pour l’UNESCO. In Commemoration of the 360th Anniversary of Undur Geghen Zanabazar, the First Bogdo Zhivzundamba Hutugtu, the Mongolian Great Enlightener, Outstanding Spiritual Leader and Statesman. Ulaanbaatar, 1995.
  7. Saruul, N., Sarantuya, U., Munkhzul, J., et Tsedmaa, D. The Fine Arts Zanabazar Museum –Unique Masterpieces. Ulaanbaatar: Admon Print, 2013.
  8. Bartholomew, T. T. “Introduction to the Art of Mongolia.” Asiantart.com, Septembre 7, 1995. https://www.asianart.com/mongolia/introduct.html. Accédé le 02 avril 2021.
  9. Uranchimeg, Ts. “Хоc ёсны сургаалаар бүтсэн Хүрээ хийдийн урлаг.” YouTube, mis en ligne par American Center for Mongolian Studies, 22 janvier 2021, https://youtu.be/iZq-d802av0.
  10. Otgonbaatar, R., et Soninbayar, Sh. “Өндөр Гэгээн Занабазар.” YouTube, mis en ligne par TheAaraa, 07 avril 2020, https://youtu.be/3bT5UGdeqHI
  11. Ward, W. E. “The Lotus Symbol: Its Meaning in Buddhist Art and Philosophy.” The Journal of Aesthetics and Art Criticism, vol. 11, no. 2, 1952, pp. 135–146. www.jstor.org/stable/426039. Accédé le 9 avr. 2021.
  12. Tibet Art. “Les cinq Dhyani Bouddhas.” Tibet Art. http://boutique.tibetart.fr/Les-cinq-Dhyani-Bouddhas. Accédé le 10 mai 2021.

Publié le 7 mai 2021 par UB Post
Auteure du texte et de la traduction Ariunaa Jargalsaikhan
Avec remerciements au Dr. Maylis Léon-Dufour pour ses précieux conseils et sa rédaction
Ulaanbaatar

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